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Créer des voies d’accès à la justice foncière et environnementale dans les endroits les plus difficiles d’accès

Les défenseur·euse·s de l’environnement de base élaborent une variété d’approches stratégiques et communautaires de la justice environnementale. Les acteurs.trices  mondiaux peuvent faire davantage pour soutenir leur travail.

Par Rebecca Iwerks & Ye Yinth & Otto Saki

English / Spanish

Credit: Alejandro Ospina

 

 

 

Se battre pour la justice foncière, environnementale et climatique comporte des risques. Global Witness nous rappelle chaque année le nombre stupéfiant de personnes tuées pour avoir défendu leurs terres — plus de 2 100 depuis 2012. Et la létalité n’est que la partie émergée de l’iceberg, l’une des nombreuses tactiques violentes auxquelles les personnes sont confrontées lorsqu’elles s’expriment au nom de leur communauté. 

L’énergie nécessaire pour faire face aux risques encourus par les défenseur·euse·s des droits de l’environnement évolue, mais pas assez rapidement

Ces dernières années, des mesures encourageantes ont été prises pour y répondre par le biais de politiques mondiales et régionales. Les gouvernements nationaux ont commencé à prendre des engagements spécifiques pour protéger les défenseur·euse·s des droits de l’environnement, estimant que cela était nécessaire pour faire face à la crise climatique. L’accord d’Escazú, en Amérique latine, contient des exigences explicites concernant la protection par l’État des défenseur·euse·s des droits de l’environnement. Ce mois-ci, l’organe de surveillance de l’article 6.4 de la CCNUCC et le groupe d’expert·e·s du secrétaire général des Nations unies sur les minéraux critiques pour la transition énergétique ont montré comment les instances mondiales peuvent intégrer la protection des défenseur·euse·s des droits de l’environnement directement dans la politique climatique. Plus généralement, des centaines d’organisations ont uni leurs efforts pour mettre fin aux représailles contre les défenseur·euse·s de l’environnement par l’intermédiaire du réseau ALLIED.

Au sein des communautés, cependant, le risque reste important, tout comme la myriade d’injustices foncières et environnementales. Il faut beaucoup de temps pour que ces promesses politiques se traduisent par des changements dans la culture et les pratiques au milieu des conflits. Trop souvent, la solution provisoire des acteurs mondiaux consiste à retirer un·e défenseur·euse de la situation, protégeant ainsi l’individu mais laissant le problème sous-jacent sans solution.

Les principales stratégies permettant de trouver des voies d’accès à la justice dans les endroits à risque existent déjà dans le cadre de l’autonomisation juridique

Que faisons-nous en attendant que la dynamique se mette en place et que la politique se traduise dans la pratique ? Nous pouvons tirer de l’espoir d’exemples réfléchis et stratégiques d’autonomisation juridique au niveau local. Partout dans le monde, les défenseur·euse·s de l’autonomisation juridique — des personnes qui aident les individus et les groupes à connaître, utiliser et façonner le droit avec le soutien de parajuristes communautaires — permettent aux communautés d’enregistrer leurs terres, de mettre fin à la pollution de l’eau par les entreprises et de négocier des accords équitables sur l’utilisation des terres, même dans les endroits les plus difficiles d’accès.

L’année dernière, nous avons examiné les expériences des défenseur·euse·s de l’environnement qui ont pu poursuivre leur travail dans des environnements réprimés, en ayant recours aux principes de l’autonomisation juridique pour trouver des voies d’accès à la justice de manière à réduire les risques. Voici ce que nous avons constaté :

Comment renforcer le soutien à cette alternative de protection subtile et efficace ? 

Alors que les défenseur·euse·s de la justice de base continuent à exercer des recours dans des endroits complexes, les acteurs mondiaux peuvent faire davantage pour les soutenir. Le principal changement susceptible de soutenir ce type de réponse innovante aux risques consiste à fournir un financement flexible et sans restriction directement aux défenseur·euse·s de la justice de base, que ce soit par le biais de la philanthropie ou de fonds communs du secteur privé qui facilitent l’apport d’un soutien juridique et technique indépendant. La souplesse du financement permet aux professionnel·le·s de modifier leurs plans à mesure que les voies deviennent plus risquées ; elle leur permet également d’investir dans des équipements de sécurité qui ne s’inscrivent pas forcément dans un budget axé sur un projet. L’ouverture à différents types de rapports peut permettre aux défenseur·euse·s de la justice de base de décider quelles sont les informations qu’ils·elles peuvent révéler en toute sécurité, sans se préoccuper de leur sécurité financière.

Deuxièmement, ceux qui influencent les cadres mondiaux, tels que les objectifs de développement durable des Nations unies et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), peuvent faire davantage pour intégrer la sécurité des défenseur·euse·s des droits de l’environnement dans ces cadres. Par exemple, la sécurité des défenseur·euse·s des droits de l’environnement fait partie intégrante de l’accès à la justice visé par l’objectif de développement durable n° 16, et les progrès réalisés dans ce domaine devraient être inclus dans tous les rapports relatifs à l’ODD n° 16. Dans le cadre de la CCNUCC, le langage protégeant les défenseur·euse·s de l’article 6.4 de l’organe de surveillance et du groupe d’expert·e·s du secrétaire général sur les minéraux critiques pour la transition énergétique devrait être reflété dans tous les cadres de politique climatique et bénéficier de ressources lors de leur mise en œuvre.

Bien que les actions menées contre les défenseur·euse·s de l’environnement soient choquantes, la communauté des défenseur·euse·s des droits humains peut prendre dès maintenant des mesures importantes pour soutenir les acteurs locaux dans leur démarche.


Rebecca Iwerks soutient depuis des décennies les communautés qui recherchent les droits humains et la transparence dans les investissements fonciers. Elle est actuellement directrice de l’initiative pour la justice foncière et environnementale chez Namati et au sein du Grassroots Justice Network

Ye Yinth se consacre à la justice foncière et environnementale, en travaillant à l’autonomisation des communautés locales et à la promotion de pratiques durables au Myanmar.

Otto Saki travaille à la Fondation Ford, où il soutient les leaders de la justice sociale à l’avant-garde du changement social.

Cet article a été publié pour la première fois par Open Global Rights. Il a été republié avec l’autorisation des auteur·e·s.Voir les autres blogs de cette série ici.


January 31, 2025 | Rebecca Iwerks & Ye Yinth & Otto Saki


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